I was invited by the Revue Movements to contribute a reflection on the so-called war in critical race theory and how it plays out in Australia [in French]
« La race imprègne de façon immuable la politique d’accaparement inhérente à la souveraineté blanche patriarcale, qui est souvent invisible et passée sous silence dans le discours dominant et la recherche universitaire. Ceci est dû au fait que la souveraineté indigène n’est jamais considérée comme un facteur décisif dans le processus de fondation de la nation. »
Aileen Moreton-Robinson[1]
La guerre contre la Critical Race Theory (Théorie critique de la race), ou CRT, se décline aussi en Australie. À bien des égards, nous le verrons, la tempête dans un verre d’eau à laquelle nous assistons aujourd’hui procède de l’obsession continuelle de l’extrême droite australienne pour un enseignement approprié de l’histoire coloniale et de l’étude des peuples autochtones (Indigenous studies). Mais le fait que toute référence à l’Australie comme société raciste colonie de peuplement soit rejetée catégoriquement reflète également une forme de panique morale. Elle est instrumentalisée par certains protagonistes de mauvaise foi aux États-Unis comme Christopher Rufo (un militant conservateur états-unien et senior fellow au Manhattan Institute). À l’heure où les immigré·es racisé·es qui osent parler du racisme et les professeur·es antiracistes, en particulier dans l’enseignement supérieur, font régulièrement l’objet d’attaques, la guerre contre la CRT illustre l’incapacité perpétuelle de l’Australie blanche à reconnaître son illégitimité en tant que colonie bâtie sur des terres volées aux Autochtones, et témoigne du courage des Autochtones qui osent revendiquer leur souveraineté et se défendre contre la suprématie blanche. Dès lors, comme dans d’autres pays, l’objet des attaques n’est pas l’étude de la question raciale en tant que telle, mais plutôt la volonté d’interroger le rôle de la race dans le colonialisme (de peuplement) qui se perpétue aujourd’hui. En ce sens, la guerre contre la CRT est une guerre par procuration. Toutefois, les attaques contre la Critical Race Theory sont indissociables de la question de savoir comment nous abordons la question raciale et comment nous l’enseignons. Car là en effet réside le paradoxe essentiel de la situation à laquelle doivent faire face ceux et celles parmi nous qui s’opposent au racisme dans leur enseignement, leurs écrits ou leurs propos : même s’il ne fait aucun doute qu’il s’agit d’une guerre par procuration, nous devons tout de même remettre en question notre travail, nos objectifs, et nous demander si notre approche est bien la meilleure pour répondre aux attaques actuelles.